La Chanson de Lorette

Version à 3 couplets et 2 refrains présentée au fil du récit intitulé La chanson de Lorette et publié dans La Guerre des soldats (1919)

Source :

La Guerre des soldats, 1e partie, chapitre III, (p. 43-150 de l’édition de 1919).

« La chanson de Lorette (complainte de la passivité triste des combattants)» est un récit de La Guerre des soldats, un recueil de textes de Raymond Lefebvre et Paul Vaillant-Couturier paru en février 1919 (Flammarion éditeur) avec une préface d’Henri Barbusse.

Ce texte a longtemps passé pour la première version imprimée de la future Chanson de Craonne, ce que des découvertes récentes ont remis en question (voir les versions de La Gazette des Ardennes dès 1917 et la version imprimée à Saint-Amand-Montrond en 1918).

Le récit intitulé « La chanson de Lorette » a été écrit, le sommaire l’atteste, par Raymond Lefebvre, et non par Paul Vaillant-Couturier.



Contexte :

Un groupe de soldats en route vers Verdun après avoir passé de longs mois en Artois s’arrête à Villers-aux-Vents, un village de la Meuse, où ils cantonnent dans une maison abandonnée, passant la soirée à boire de la bière et à chanter. « Pierrot, chante-nous la Chanson de Lorette, demanda quelqu’un ». C’est ainsi qu’apparaissent, entrecoupées par quelques commentaires de l’auteur, les paroles de la chanson.

La scène se passe « un soir de fin d’hiver », vraisemblablement début mars 1916. La bataille de Verdun a en effet commencé le 21 février et oblige le commandement français à déplacer de nombreuses unités vers ce secteur. Le récit contient certainement une certaine dimension autobiographique : le groupement de brancardiers auquel appartenait Raymond Lefebvre, l’auteur du récit, a effectivement été transféré du Nord à Verdun à cette date.



Remarques sur les paroles :

Au fil du récit, apparaissent trois strophes et deux refrains, mais dans une version incomplète. Il manque en effet la moitié du refrain final et en tout huit vers qui sont loin d’être anodins :

1er couplet :

Même sans tambour, même sans trompette

On s’en va là-haut en baissant la tête.

3e couplet :

Pour défendre leurs biens, car nous n’avons rien,

Nous autres, les pauvres purotins.

Refrain final :

Ceux qu’ont le pognon, ceux-là r’viendront

Car c’est pour eux qu’on crève

Mais c’est bien fini, car les troufions

Vont tous se mettr’en grève.



La suppression de vers défaitistes (1er couplet), de vers qui dénoncent les inégalités sociales, et pas seulement les embusqués (3e couplet), et surtout la disparition de la menace finale de « grève des tranchées » peuvent s’expliquer par l’intervention de la censure qui s’exerce toujours en France en février 1919 lorsque paraît La Guerre des soldats (elle n’est supprimée qu’en septembre 1919). Reste à savoir s’il s’agit d’une autocensure (de l’auteur ou de l’éditeur) pour faciliter la parution du livre ou s’il s’agit d’une suppression exigée par la censure…



Outre la localisation à Lorette et l’absence du second couplet présent dans la plupart des autres versions des années de guerre, on peut noter :



Musique :

Rien dans le récit ne permet de savoir sur quel air se chante La Chanson de Lorette. Mais son auteur se montre particulièrement critique quand il demande de pardonner » à l’auteur illettré qui la composa […] les naïvetés de forme, les défauts de rythme, et ce que la musique […] peut avoir de criard et de mièvre ». Il ajoute même : « Peut-être un musicien pourrait-il en faire quelque chose de parfait ». Raymond Lefebvre ignore donc à la fois que la chanson emprunte sa musique à une chanson antérieure et que le compositeur de Bonsoir m’amour est un professionnel.

Autour de la Chanson de Craonne   http://www.chansondecraonne.fr  M-à-j le 01/07/2017