Le plateau de Lorette (septembre 1915)

Transcription

I.

Lorsqu’au bout de huit jours, le repos terminé

L’on va reprendre aux tranchées

Notre place si utile car sans nous on prend la pile

Mais c’est bien fini, on en a assez

Personne ne veut plus marcher

Et le cœur bien gros

Et dans un sanglot

On dit adieu aux civelots

Même sans tambour, même sans trompette

On part là-haut en baissant la tête

Refrain

Adieu la vie

Adieu l’amour

Adieu toutes les femmes.

C’est bien fini, c’est pour toujours

De cette vie infâme

C’est à Lorette sur le plateau

Qu’nous devons laisser notre peau

Car nous sommes les condamnés

Nous sommes les sacrifiés

II.

Nous voilà partis avec sac au dos

On peut dire adieu au repos

Car pour nous la vie est dure

C’est terrible je vous l’assure

A Lorette là-haut

On va nous descendre

Sans même pouvoir nous défendre

Car si nous avons de très bons canons

Les boches répondent à leurs sons.

Forcés d’se terrer

Là dans la tranchée

Attendant l’obus qui viendra nous tuer.

(au refrain)

III.

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance

En[sic] l’on a l’espérance

Car ce soir, peut-être la relève

Que nous attendons sans trêve

Soudain dans la nuit

Avec le silence

On voit quelqu’un qui s’avance

C’est un officier de chasseurs à pied

Qui vient pour nous remplacer

Doucement dans l’ombre

Sous la pluie qui tombe

Les petits chasseurs viennent chercher leurs tombes.

Au refrain.

IIII.

C’est malheureux de voir sur les grands boulevards

Tant d’cossus qui font la foire

Si pour eux la vie est rose

Pour nous c’n’est pas la même chose

Au lieu d’se cacher

Tous ces embusqués

Feraient mieux monter aux tranchées

Pour défendre leurs biens

Car nous n’avons rien

Nous autres pauvres purotins

Tous nos compagnons

Sont étendus là

Pour défendre les biens de ces richards-là.

2^e Refrain

Ceux qu’ont le pognon

Ceux-là reviendront

Car c’est pour eux qu’l’on crève

Mais c’est fini

Car les trouffions

Vont tous se mettre en grève

C’est à votre tour

Messieurs les gros

De monter sur l’p[l]ateau.

Puisque vous voulez tous la guerre

Payez la [de] votre peau.

FIN

Septembre 1915.