Cette version à trois couplets et deux refrains a été publiée en juillet 1934 par Paul Vaillant-Couturier. Elle s’est rapidement imposée comme la version standard ou de référence. Après avoir appartenu aux répertoires de chorales militantes (Association républicaine des anciens combattants, Chorale de Paris), elle est enregistrée sur disque avec ces paroles pour la première fois en 1952 par Eric Amado et a été reprise par la suite par de nombreux interprètes (Marc Ogeret, Mouloudj, La Bamboche, Utgé-Royoi…).
Texte publié dans le numéro n° 11-12 de Commune, revue de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires. Elle apparaît (p.1179-1180) dans une petite anthologie de « chansons de soldats » à la suite d’un texte de Paul Vaillant-Couturier, intitulé « Chansons interdites ».
Pour le 20e anniversaire du début de la guerre, l’AEAR, organisation proche du Parti communiste français, avait prévu la publication d’un numéro spécial de sa revue Commune. Elle avait aussi organisé le 12 juillet 1934 une « Fête de la chanson française antimilitariste » (à la salle de la Mutualité à Paris) qui, ayant été interdite par le Préfet de Police, s’était déroulée dans une salle de l’Union des syndicats de la Seine. Selon L’Humanité du 13 juillet 1934, La Chanson de Craonne a été chantée à trois reprises au cours de la soirée. (voir Guy Marival, La Chanson de Craonne : enquête sur une chanson mythique, p. 141 et suiv.)
Aucune indication de l’air sur lequel se chantent les paroles, y compris dans l’article de Vaillant-Couturier.
Dans son article, Vaillant-Couturier ne donne aucune information sur la façon dont la chanson lui est parvenue, il ne revendique pas, en particulier, de l’avoir recueillie, comme cela a été maintes fois affirmé par la suite. Il ne fait aucune allusion au récit de La Guerre des soldats, le livre qu’il a pourtant fait paraître en 1919 avec son ami Raymond Lefebvre (voir La Chanson de Lorette (1919)). Il est d’ailleurs intéressant de comparer les paroles de La Chanson de Lorette publiées dans La Guerre des soldats avec les paroles de la Chanson de Craonne publiée en 1934 (absence d’un second couplet dans les deux cas, mais des variantes dans le texte comme au premier refrain « c’est pas fini » au lieu de « c’est bien fini » et au dernier couplet « tant de cossus » au lieu de « tous ces gros »).
De même, Paul Vaillant-Couturier n’explique pas les modifications que le texte publié présente avec les versions antérieures (en particulier suppression du second couplet où sont mentionnés les Boches, remplacement dans le refrain de « c’est pas fini » par « c’est bien fini »). Il se borne à reconnaître qu’elle n’a pas toujours été « de Craonne », tout en regrettant que l’état d’esprit qu’elle exprime n’ait pas débouché sur une révolution comme en Russie : « La Chanson de Craonne, qui a de nombreuses variantes (chanson de Lorette, de Verdun, etc…), exprime cette sorte de « bolchevisme des tranchées » qui ne demandait qu’à être orienté pour devenir irrésistible. Il y a là, implicitement, l’idée de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile. Cependant le soldat s’arrête encore à mi-chemin. » Conséquence : dans le texte publié par Commune, pour insister sur le refus de participer à une guerre impérialiste, le vers « Vont tous se mettr’en grève » est redoublé, …
Chantée dans un meeting antimilitariste organisé par l’extrême-gauche communiste, associée au nom de Paul Vaillant-Couturier, la Chanson de Craonne avec ses trois couplets et son refrain modifié, devient, pour ceux qui veulent ignorer sa genèse, une chanson militante contre une armée au service du capitalisme, et l’hymne des mutineries de 1917.
Autour de la Chanson de Craonne http://www.chansondecraonne.fr M-à-j le 14/01/2017