Sur le plateau

Chanson à quatre couplets et deux refrains dédiée à la 26e division d’infanterie et imprimée en 1918 sur une feuille volante imprimée par Simonet, chansonnier-imprimeur à Saint-Amand-Montrond (Cher).

Source :

Feuille imprimée recto verso comprenant six chansons (collection Jacques Niquet). Sur le plateau se retrouve en compagnie de On l’aura le boche (« chanson de route des soldats alliés »), Oui, tu pleurais… (« chanson d’actualité »), La valse bleu horizon (chanson composée en 1917, musique de Borel-Clerc, paroles de Charles-Louis Pothier), Cognez toujours… et L’Offensive générale ou la Chasse aux Boches.

Originaire de l’Allier, Louis-Modeste Simonet (1854-1933) s’est fixé vers 1895 à Saint-Amand-Montrond où il a imprimé et diffusé des dizaines de feuilles de chansons (plus de 130 ont déjà été recensées). Rien n‘indique que la feuille comprenant Sur le plateau a été visée par la censure ou a fait l’objet d’un dépôt légal.

En l’état actuel des recherches, cette version imprimée, qui peut être datée de l’été 1918 (allusions à l’offensive alliée de juillet-août 1918), est la plus ancienne actuellement connue à avoir été éditée en France, au moins pour les territoires non occupés par les Allemands. En effet, dès l’été 1917 les Allemands avaient publié deux versions différentes dans La Gazette des Ardennes (voir Craonne-17-06-24 et Lorette-17-08-20).

Contexte :

La 26e division d’infanterie appartient en 1914 au 13e corps d’armée et son quartier général est à Clermont-Ferrand. Elle est constituée de plusieurs régiments qui recrutent dans les départements du Massif central comme le 121e régiment de Montluçon (Allier), ville où l’imprimeur de la feuille de chansons, Simonet, a fait son service militaire en 1885. Début 1917, la 26e division se trouve en Picardie et prend part à la reconquête du terrain abandonné par les Allemands lors de leur repli sur la ligne Hindenburg. Début avril, la division tente de poursuivre sa progression en direction de Saint-Quentin : prise de Gauchy le 4, attaque le 13 au Moulin de tous Vents, « à Saint-Quentin, sur le plateau » comme dit le refrain de cette version.

L’indication « Chanson créée et dédiée à la 26e division » n’est pas forcément destinée à égarer la censure. Pendant la guerre, les chansons dédiées à une unité militaire (bataillon, régiment ou division) sont nombreuses. Cela peut paraître en revanche plus surprenant pour une chanson généralement considérée comme assez peu patriotique, voire antimilitariste. En fait, la version de cette feuille de chansons se distingue nettement des autres versions connues de la période 1917-1919 en édulcorant ou en subvertissant les paroles habituelles.

Remarques sur les paroles :

Même si l’on retrouve dans cette version le « c’est pas fini » du premier refrain et le second couplet « sac au dos » comme dans les autres versions de la période 1917-1919, le ton est ici différent. Au premier couplet, « c’est ennuyeux, tout le monde en a assez », au premier refrain « A Saint-Quentin sur le plateau/On risque d’y laisser sa peau » et si l’on est condamné, pourtant « pour la Patrie faut se sacrifier ». Au second couplet, ce sont les Boches qui « ont de très gros canons », mais « nous répondrons [noter le futur] très bien à leurs sons ». Au quatrième couplet, il est bien question de « tas de cossards qui font les fêtards », mais c’est une rumeur : « on nous dit qu’il y a des veinards ». Toutes ces réserves semblent annoncer le « On ne peut pas dire que les troufions /Se soient parfois mis en grève » du refrain final qui affirme, un an après les mutineries de 1917, qu’il n’y a jamais eu de « grève des tranchées » ou de « refus d’obéissance » dans l’armée. Pourtant, Sur le plateau ne gomme pas entièrement d’autres aspects importants de la future Chanson de Craonne : la guerre y est toujours interminable et « infâme », les embusqués sont toujours détestés (avec même une belle trouvaille : l’oxymore « braves embusqués »), de même que sont dénoncées les inégalités sociales entre « pauvres purotins et « ces richards-là ».

Quelques vers ont visiblement été victimes de coquilles d’imprimerie, ainsi au premier couplet (« Beaucoup en marchant et sans rechigner »), au premier refrain (« Si d’entre nous sont condamnés ») ou au quatrième couplet (« De nos compagnons sont étendus là »).



Musique :

Comme pour les autres parodies (chansons dont les paroles se chantent sur un air connu) de la feuille, l’air sur lequel se chante « Sur le plateau » est indiqué. Mais avec une erreur dans le titre : il s’agit en réalité de Bonsoir m’amour, une chanson écrite en 1911 (musique d’Adelmar Sablon , paroles de Raoul Le Peltier).



Bibliographie :

Guy Marival, « A Saint-Quentin, sur le plateau… », La Lettre du Chemin des Dames, n°33 (novembre 2014), p. 36-37.

Autour de la Chanson de Craonne   http://www.chansondecraonne.fr  M-à-j le 15/01/2017